
RedU T1 Ch16 Ep7
Contenu explicite
04/01/15 • 8 min
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Quarante-trois minutes de retard.
Jamais le contre-amiral ne s’était permis une telle liberté dans son programme, et le lieutenant Ralato en concevait une impatience teintée d’inquiétude. Stuffy, devenu un habitué de l’esprit de son hôte, ne pouvait cacher son amusement.
« Papa est en retard, bébé pleure tout seul.
- Arrête cela. Tu sais parfaitement ce qu’il en est. Sait-il que nous savons ? Nous prépare-t-il quelque chose en douce ?
- Là, tu psychotes comme une jeune vierge à son premier rendez-vous. Je sens parfaitement combien tu es angoissé par sa réaction à ton rapport. Mais bon, j’insiste sur mon conseil : ne parle pas de la flotte en construction dans les chantiers spatiaux. Il peut être au courant, auquel cas il y viendra tout seul, sinon, gardons cette carte en main et poursuivons nos recherches discrètement.
- Je ne supporte pas l’idée qu’il ait pu me tenir à l’écart d’un truc de cette importance. Je pensais avoir toute sa confiance.
- Mouais... Je doute qu’il puisse même avoir confiance en son reflet dans le miroir le matin, Poféus est un... »
La clenche de la porte du petit salon tourna et Ralato eut l’immense surprise de voir une belle jeune femme en sortir, visiblement pressée. En tailleur strict, maquillée, parfumée, avec des joues légèrement empourprées, elle salua le lieutenant d’un hochement de tête puis s’en alla par l’entrée principale.
« Dites-moi que je rêve. L’amiral aurait...
- Non, c’est... une psychiatre. Ton chef se fait suivre on dirait. Par contre, elle prend du Boramol, impossible d’en savoir plus.
- Procédure d’exception, elle doit être considérée comme détentrice de secrets importants. Qu’il ait une maitresse ou une psychiatre, dans les deux cas, c’est aberrant. Je ne l’imagine pas...
- Tu ne l’imagines pas beaucoup, en fin de compte, ton cher Poféus. Ralato, est-ce que tu te rends compte de tout ce que l’on a effleuré ou découvert sur lui ces dernières semaines ? Son implication dans la révolution, et -peut-être- dans la mort du roi, le trafic de lithium et de nuage de miel, cette association avec les Souriants, ses contacts avec Monsieur Heir, la flotte de guerre en construction et maintenant cette psychiatre. Combien on parie que l’on est pas au bout de nos surprise ? »
Le ministre de la sécurité sorti à son tour du petit salon, fixa quelques secondes Ralato, ne s’attendant visiblement pas à le voir là, puis il referma doucement derrière lui, traversant le vaste bureau pour aller s’assoir dans son fauteuil. Le lieutenant se cabra dans un garde-à-vous, en attente de l’ordre de repos... qui ne vînt pas. Poféus compulsa quelques dossiers et parcouru des rapports, tout en ignorant cordialement son second. Après plusieurs minutes, il daigna enfin lui adresser la parole :
« J’ignorais que vous rentriez maintenant dans mon bureau sans y être invité, Lieutenant. Votre séjour sur Talbot vous aurait-il émoussé, au point d’en oublier quelques principes de base ?
- Le... notre rendez-vous, Monsieur. Je pensais le rapport de mission suffisamment important pour ne pas être différé.
- Ce n’est pas le cas. Je l’ai parcouru et il n’y a rien de particulièrement nouveau là-dedans. Je ne vous ai pas envoyé à la chasse au trafic de lithium mais à la poursuite d’assassins !
- Oui, Monsieur. »
Toujours au garde-à-vous, Ralato Ouli n’en revenait pas de la tournure de la conversation avec son chef.
« Apparemment, il n’aime pas quand on fouille dans le trafic de lithium. Ou alors madame la psy a ses règles ?
- Non, ce n’est pas son genre. Il ne s’attendait pas à ce qu’on la rencontre, c’est tout.
- Repos, Lieutenant. »
Un peu soulagé, le soldat se détendit. Croisant les bras dans le dos, il attendit la suite.
« Bien, je voudrais votre opinion quand au lien entre Monsieur Heir et la communauté Souriante ? Se peut-il que ce soit une branche extrémiste qui le soutienne et pas toute la communauté ?
- Je dirais toute la communauté. Chez les Souriants, il n’y a que des branches mortes qui peuvent s’éloigner de l’arbre. »
L’autre le regarda, soulevant un sourcil.
« Vous parlez comme ...
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Quarante-trois minutes de retard.
Jamais le contre-amiral ne s’était permis une telle liberté dans son programme, et le lieutenant Ralato en concevait une impatience teintée d’inquiétude. Stuffy, devenu un habitué de l’esprit de son hôte, ne pouvait cacher son amusement.
« Papa est en retard, bébé pleure tout seul.
- Arrête cela. Tu sais parfaitement ce qu’il en est. Sait-il que nous savons ? Nous prépare-t-il quelque chose en douce ?
- Là, tu psychotes comme une jeune vierge à son premier rendez-vous. Je sens parfaitement combien tu es angoissé par sa réaction à ton rapport. Mais bon, j’insiste sur mon conseil : ne parle pas de la flotte en construction dans les chantiers spatiaux. Il peut être au courant, auquel cas il y viendra tout seul, sinon, gardons cette carte en main et poursuivons nos recherches discrètement.
- Je ne supporte pas l’idée qu’il ait pu me tenir à l’écart d’un truc de cette importance. Je pensais avoir toute sa confiance.
- Mouais... Je doute qu’il puisse même avoir confiance en son reflet dans le miroir le matin, Poféus est un... »
La clenche de la porte du petit salon tourna et Ralato eut l’immense surprise de voir une belle jeune femme en sortir, visiblement pressée. En tailleur strict, maquillée, parfumée, avec des joues légèrement empourprées, elle salua le lieutenant d’un hochement de tête puis s’en alla par l’entrée principale.
« Dites-moi que je rêve. L’amiral aurait...
- Non, c’est... une psychiatre. Ton chef se fait suivre on dirait. Par contre, elle prend du Boramol, impossible d’en savoir plus.
- Procédure d’exception, elle doit être considérée comme détentrice de secrets importants. Qu’il ait une maitresse ou une psychiatre, dans les deux cas, c’est aberrant. Je ne l’imagine pas...
- Tu ne l’imagines pas beaucoup, en fin de compte, ton cher Poféus. Ralato, est-ce que tu te rends compte de tout ce que l’on a effleuré ou découvert sur lui ces dernières semaines ? Son implication dans la révolution, et -peut-être- dans la mort du roi, le trafic de lithium et de nuage de miel, cette association avec les Souriants, ses contacts avec Monsieur Heir, la flotte de guerre en construction et maintenant cette psychiatre. Combien on parie que l’on est pas au bout de nos surprise ? »
Le ministre de la sécurité sorti à son tour du petit salon, fixa quelques secondes Ralato, ne s’attendant visiblement pas à le voir là, puis il referma doucement derrière lui, traversant le vaste bureau pour aller s’assoir dans son fauteuil. Le lieutenant se cabra dans un garde-à-vous, en attente de l’ordre de repos... qui ne vînt pas. Poféus compulsa quelques dossiers et parcouru des rapports, tout en ignorant cordialement son second. Après plusieurs minutes, il daigna enfin lui adresser la parole :
« J’ignorais que vous rentriez maintenant dans mon bureau sans y être invité, Lieutenant. Votre séjour sur Talbot vous aurait-il émoussé, au point d’en oublier quelques principes de base ?
- Le... notre rendez-vous, Monsieur. Je pensais le rapport de mission suffisamment important pour ne pas être différé.
- Ce n’est pas le cas. Je l’ai parcouru et il n’y a rien de particulièrement nouveau là-dedans. Je ne vous ai pas envoyé à la chasse au trafic de lithium mais à la poursuite d’assassins !
- Oui, Monsieur. »
Toujours au garde-à-vous, Ralato Ouli n’en revenait pas de la tournure de la conversation avec son chef.
« Apparemment, il n’aime pas quand on fouille dans le trafic de lithium. Ou alors madame la psy a ses règles ?
- Non, ce n’est pas son genre. Il ne s’attendait pas à ce qu’on la rencontre, c’est tout.
- Repos, Lieutenant. »
Un peu soulagé, le soldat se détendit. Croisant les bras dans le dos, il attendit la suite.
« Bien, je voudrais votre opinion quand au lien entre Monsieur Heir et la communauté Souriante ? Se peut-il que ce soit une branche extrémiste qui le soutienne et pas toute la communauté ?
- Je dirais toute la communauté. Chez les Souriants, il n’y a que des branches mortes qui peuvent s’éloigner de l’arbre. »
L’autre le regarda, soulevant un sourcil.
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« Contre-amiral ? »
Poféus sursauta, revenant à la réalité.
« Vos fuites de conscience ont empiré depuis le début de nos séances. Sur ces quelques semaines, je peux sentir la fréquence de vos absences augmenter. Angilbe, votre position ne nous permet pas de suivre les méthodes conventionnelles, je le crains. Jusqu’à quel point votre fonction en est-elle affectée ? »
La psychologue Calande Rorré prenait des notes, consciencieusement. Elle n’avait qu’effleuré de ses lèvres la tasse de thé au Jasmin. Devenu un habitué de la jeune femme, le contre-amiral, remarqua cette nouvelle petite ride au milieu du front, et cette courbure particulière de ses sourcils. On eut dit qu’elle s’inquiétait sincèrement.
« Rassurez-vous, certaines de nos séances me laissent plus souvent absent de mes responsabilités que ces sautes de réalité. Pour autant que je sache. »
Calande nota, souligna, puis fixa silencieusement le calepin, semblant méditer quelque mystère dissimulé au-delà des lignes.
« Notre... dernière rencontre, par exemple, me laisse... un souvenir mitigé. »
Ajouta-t-il, cherchant clairement dans ses mots la manière la moins brusque d’exprimer ses pensées. L’autre sorti de sa méditation dans un
« Mmhhm ? »
qui désarçonna son vis-à-vis plus surement qu’une quelconque attaque terroriste.
Elle plongea son regard dans le sien, l’obligeant à s’intéresser à la cheminée crépitante et sa féérie de lumières.
« Votre attirance pour les jeunes personnes. Pouvons-nous l’aborder ? Comprenez bien qu’il ne s’agit pas de curiosité mais de vous permettre d’en parler avec quelqu’un. Vous ne devez pas en avoir souvent l’occasion et placer des mots là où il n’y avait que des pulsions et des désirs aide à une meilleure acceptation de soi-même.
Je pensais m’accepter parfaitement ?
Vos sautes de réalité infirment cela, Angilbe.
... »
S’accepter.
Poféus laissa la danse continue des flammes l’emporter dans une profonde réflexion. Oui, si ses moment ts d’égarement n’avaient pas de raison physiologique alors ils étaient d’origine psychologique. Après des années passées à la tête des forces mentales, il avait accumulé une certaine expérience de la chose psychique et s’il en retenait au moins une règle, c’était que rien n’était jamais réellement certain. Une personnalité pouvait développer une redoutable schizophrénie, multipliant les contradictions de ses personnalités sans même s’en rendre compte.
« Angilbe ?
Je suis là. Je... réfléchissais, c’est tout.
Mon rôle n’est pas de vous forcer la main. Si vous ne désirez pas en parler, maintenant ou plus tard, nous changerons de direction pour...
Non, c’est bon. »
Il tourna la tête et, pour la première fois depuis le début de leurs séances, lui rendit son regard. Calande ne put réprimer une réaction étouffée, cela se sentait depuis ses épaules qui s’abaissaient légèrement aux pupilles qui rétrécissaient. Un mélange d’excitation, de satisfaction et... de frayeur ?
« Abordons cette partie de ma vie. Elle représente plus que je n’ai jamais vraiment voulu l’admettre. Et elle remonte à loin, autant que je sache. Je pensais avoir découvert mon équilibre lorsque j’ai eu les moyens de l’assouvir, mais... non, c’était un leurre. »
Les deux vis à vis s’observaient, comme s’ils venaient de se rencontrer pour la première fois. Angilbe Poféus n’avait plus froid, ses mains ne tremblaient pas et ne serraient plus les accoudoirs, la politique et les tortueuses affaires de ce monde corrompu refluaient hors de la pièce.
Il était... serein. Simplement serein.
Il se passa alors un évènement qui allait sceller ce moment à jamais. Une réaction inattendue, quelque chose que la médecine psychiatrique interdisait, et même au-delà, quelque chose qui n’était plus arrivé à Poféus depuis qu’il s’était séparé de Fabio.
Calande Rorré s’avança et posa doucement, tendrement, une main sur celle de Poféus. La petite femme aux cheveux courts n’était désormais plus qu’à quelques centimètres de l’amiral. Alors que le contact de cette peau douce lui donnait le tournis, que le lourd parfum de la psychiatre l’envoutait comme jamais, il l’entendit l’encourager d’une voix profonde qu’il ne lui connaissait pas,
« Racontez-moi tout. Plongeons ensemble dans cet Angilbe qui s...
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« Dans la prochaine heure, je ne veux qu’on me dérange qu’en cas d’extrême urgence. »
Le Contre-amiral Poféus leva son doigt du commutateur, coupant le contact. Sacré Ralato, garder des secrets avec lui relevait du challenge. Certes, le jeune officier n’avait pas encore pris l’entière dimension de ce que préparait le ministre de la sécurité, mais les pièces du puzzle commençaient à s’accumuler et il flairait quelque chose.
Quoique.. En savait-il, lui aussi, plus qu’il n’en disait ? Depuis son enlèvement chez les Mutualistes, il était différent. Plus renfermé sur lui-même, mais redoutablement plus efficace également, de l’aveux même de ses rapports de mission.
Poféus se laissa aller dons son fauteuil, observant fixement le dossier contenant le résumé de son officier sur sa péripétie dans les mines de Talbot.
Oui, redoutablement efficace. Trop. Pour que les Triades lui lâchent ce secret, c’est qu’il leur avait probablement fait très mal et, sans doute, définitivement brouillé les relations entre les « Affaires Mentales » et la communauté Souriante. Tant pis, ils avaient déclaré la guerre les premiers en assassinant des agents du contre-amiral et Ralato n’avait, en fin de compte, que tiré un fil indirectement lié à son enquête, pour découvrir le trafic de lithium et de nuage de miel. De toutes façons, Poféus n’avait plus besoin de fonds ni de matières premières pour sa flotte. Les premiers appareils étaient déjà en cours de rodage et les gros croiseurs appareilleraient dans quelques semaines. Le ministre se fera fort de se fournir ailleurs, pour combler le manque à gagner. Probablement chez les contrebandiers de tous poils qui pullulaient dans l’espace de MaterOne.
Mais cela l’amena à se poser une question autrement plus perfide : pourquoi les Souriants avaient-ils sciemment attaqué un aussi intéressant client que Poféus ? Monsieur Heir était derrière, certes, mais d’après le rapport de son Lieutenant, cette communauté n’était pas simplement son allié de circonstance, ils faisaient littéralement corps avec lui. Dans l’addendum secret posé à coté du rapport principal, Ralato relatait les confidences du rival du ministre sur la révolution Castiks, la pénétration des universités mentales par de jeunes Souriants et leur maîtrise poussée des pouvoirs psychiques. Pire, Heir lui-même semblait faire preuve d’un niveau rarement atteint en la matière.
Tout cela était si insensé que venant de tout autre que le Lieutenant Ouli, Poféus aurait considéré ce rapport comme l’œuvre d’un affabulateur.
Le contre-amiral se leva, et, comme à son habitude, se rapprocha des grandes baies vitrées, laissant le panorama des lumières de la ville et, au loin, du spatioport, lui faire prendre de la hauteur, s’éloigner de l’immédiat pour voir plus large.
...
L’image de Calande se refléta fugitivement dans les nuages du couchant.
Un soupir. Mais que lui arrivait-il avec cette... femme ? Elle n’était QUE sa praticienne, rien d’autre qu’une professionnelle faisant son office pour le soigner. Alors pourquoi réagissait-il si anormalement quand elle était là ? Il perdait tous ses moyens, n’arrivait même pas à la menacer, l’injurier ou... la réprimander.
Lui faire des remontrances...
L’interrompre...
« Calande. Que... m’es-tu donc... devenue ? »
Au loin, tels des insectes lumineux, les véhicules de toutes sortes brillaient dans le ciel, vaquant à leurs occupations. Tout au fond on pouvait distinguer quelques éclairs perdus dans les lointaines zones de nuages recouvrants une chaine de montagnes. Les Amalaches, là où Ralato avait été fait prisonnier.
Cela le ramena à la triste réalité. Et à une nouvelle question, une de plus. Pourquoi le contact des affaires mentales avait-il poussé un cri de ralliement Mutualiste ? Son Lieutenant avait parfaitement expliqué la logique de l’implant mental qu’il avait utilisé, mais cela n’expliquait en rien cette réaction, sinon par la traîtrise de celui-ci. L’agent spécial Paul n’était pas une merveille, pour ne pas dire un raté. Mais c’est lui que Poféus avait justement choisi pour cette mission car si le corrompu y trouvait son avantage, il saurait manœuvrer aux mieux des intérêts du contre-amiral et servirait parfaitement d’interface avec les Triades.
L’opération avait été un succès jusqu’à...
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