
2015 : serre-moi fort
02/02/23 • 46 min
« Oh serre-moi fort, compère. » Le refrain de cette Danse montagnarde (et polissonne) de Maria Tănase, chroniquée dans Néo-Géo par Rémy Kolpa Kopoul, pouvait servir de mantra pour nous consoler de cette année difficile. Quelle ironie que le ConneXionneur en chef ait mentionné « l’enterrement inimaginable » de cette chanteuse à Bucarest, où se pressèrent des centaines de milliers de Roumain·e·s... Nous avions besoin de nous serrer fort, oui, le 11 janvier, sur la place de la République à Paris comme aux quatre cents coins de l’Hexagone, afin d’honorer la mémoire des victimes des terroristes qui ensanglantèrent Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hyper-Casher de la Porte de Vincennes au nom de Daech. À l’antenne, nous diffusons des lectures et des morceaux qui invitent à réfléchir – en se marrant, si possible – sur la liberté d’expression ; l’écrivaine Axl Cendres partage ainsi une lettre de sa maman, Hafida, qui pleure de colère en se souvenant de la décennie noire en Algérie, quand les islamistes semaient déjà la terreur. Mi-mars, un attentat frappe le musée du Bardo, à Tunis. Et des bombes explosent à Beyrouth, à Bamako, au Koweït, dans l’Isère... ou n’explosent pas (de justesse) dans le Thalys. Puis d’autres fous de dieu, aigles de la mort et du métal des kalachnikovs, se faut sauter le vendredi 13 novembre, d’abord à proximité du Stade de France, tandis que leurs complices mitraillent des terrasses avant d’interrompre un concert des Eagles of Death Metal au Bataclan. Des centaines de « lettres à Paris » nous parviennent, lues toute la semaine à l’antenne, sur le modèle des « lettres à Elodie » (Font), qui présente désormais la matinale avec Thierry. Se serrer fort, encore.
Entre-temps, le cœur de Rémy cesse de danser la batucada au lendemain d’une mille-et-unième fête à Brest, où il mixait, à 66 ans. Lui qui venait à peine de clore à Montreuil les représentations d’une comédie musicale Karioka sur l’âge d’or du Brésil auquel il rêvait depuis trente ans... Ce dandy électropical en chaussures de chantier, à la voix de canard enroué (« madrée », disait-il, qui signifie selon le Larousse : « rusée, sous des dehors bonhommes »). Ce pilier du premier Libé, qui fut « mao un jour, mambo toujours », certifié fan de fromages, de champagne et de calembours, et surtout « marié avec la musique ». Permettez de citer cette profession de foi, qui résume quasiment notre radio : « Qu’est-ce qu’un chanteur de tango a de commun avec un musicien new wave ? Qu’est-ce un vieux chanteur de bossa nova a de commun avec un jeune DJ ? Ce sont des mondes séparés qu’il faut brasser ensemble, parce qu’ils ont tout intérêt à se connaître. C’est le mélange des âges et des cultures. Le Grand Mix. Et j’aime bien touiller. »
Réalisation, mixage : Malo Williams.
Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
« Oh serre-moi fort, compère. » Le refrain de cette Danse montagnarde (et polissonne) de Maria Tănase, chroniquée dans Néo-Géo par Rémy Kolpa Kopoul, pouvait servir de mantra pour nous consoler de cette année difficile. Quelle ironie que le ConneXionneur en chef ait mentionné « l’enterrement inimaginable » de cette chanteuse à Bucarest, où se pressèrent des centaines de milliers de Roumain·e·s... Nous avions besoin de nous serrer fort, oui, le 11 janvier, sur la place de la République à Paris comme aux quatre cents coins de l’Hexagone, afin d’honorer la mémoire des victimes des terroristes qui ensanglantèrent Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hyper-Casher de la Porte de Vincennes au nom de Daech. À l’antenne, nous diffusons des lectures et des morceaux qui invitent à réfléchir – en se marrant, si possible – sur la liberté d’expression ; l’écrivaine Axl Cendres partage ainsi une lettre de sa maman, Hafida, qui pleure de colère en se souvenant de la décennie noire en Algérie, quand les islamistes semaient déjà la terreur. Mi-mars, un attentat frappe le musée du Bardo, à Tunis. Et des bombes explosent à Beyrouth, à Bamako, au Koweït, dans l’Isère... ou n’explosent pas (de justesse) dans le Thalys. Puis d’autres fous de dieu, aigles de la mort et du métal des kalachnikovs, se faut sauter le vendredi 13 novembre, d’abord à proximité du Stade de France, tandis que leurs complices mitraillent des terrasses avant d’interrompre un concert des Eagles of Death Metal au Bataclan. Des centaines de « lettres à Paris » nous parviennent, lues toute la semaine à l’antenne, sur le modèle des « lettres à Elodie » (Font), qui présente désormais la matinale avec Thierry. Se serrer fort, encore.
Entre-temps, le cœur de Rémy cesse de danser la batucada au lendemain d’une mille-et-unième fête à Brest, où il mixait, à 66 ans. Lui qui venait à peine de clore à Montreuil les représentations d’une comédie musicale Karioka sur l’âge d’or du Brésil auquel il rêvait depuis trente ans... Ce dandy électropical en chaussures de chantier, à la voix de canard enroué (« madrée », disait-il, qui signifie selon le Larousse : « rusée, sous des dehors bonhommes »). Ce pilier du premier Libé, qui fut « mao un jour, mambo toujours », certifié fan de fromages, de champagne et de calembours, et surtout « marié avec la musique ». Permettez de citer cette profession de foi, qui résume quasiment notre radio : « Qu’est-ce qu’un chanteur de tango a de commun avec un musicien new wave ? Qu’est-ce un vieux chanteur de bossa nova a de commun avec un jeune DJ ? Ce sont des mondes séparés qu’il faut brasser ensemble, parce qu’ils ont tout intérêt à se connaître. C’est le mélange des âges et des cultures. Le Grand Mix. Et j’aime bien touiller. »
Réalisation, mixage : Malo Williams.
Distribué par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
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2014 : un robot animateur ?
À tous les coups, c’est une question de rythme. Trouver le tempo adéquat pour poser sa voix, ses idées, la musique qui fait vibrer. Comme le prouve cette série de reportages signés Sophie Marchand & Isadora Dartial pour accompagner la sortie du coffret « Nova Danse », qui enregistrent des rudiments de claquettes, les mouvements de base de la samba, de la house ou du hip hop, les pas rétros pas si compliqués qui enjaillent depuis 1936 le parquet du Balajo de Bastille, des conseils de compagnons du kompa haïtien, voire du zouk et de la biguine enseignés dans son salon de Bobigny par feu Frantz Déric, musicien et DJ ambianceur de bals aux Antilles. De manière, à chaque fois, beaucoup moins reloue que le prof de batterie vicieux de Whiplash, réalisé par Damien Chazelle – lui-même ex-batteur de jazz enseveli de récompenses, de Deauville aux Oscars.
Le rythme d’écriture est intense dans les turbines de 2H15 avant la fin du monde. Tel un late show à l’arrache, Armel Hemme & Marie Misset prennent le pari d’accoucher de quatre sketchs par jour, volontiers absurdes, toujours liés à l’actu, à propos des fraudes fiscales du ministre du Budget d’un gouvernement de gauche (merci pour ce moment, Jérôme Cahuzac) ou de la disparition d’un glacier (en Islande), en invitant toutes les personnes qui traversent le grand couloir blanc de la rédaction à chanter, crier, imiter Manuel Valls ou parodier les débats cacophoniques des chaînes d’information en continu. L’émission devient également le cadre d’un chantier invraisemblable, résolument tourné vers l’avenir, mais dont le succès pourrait coûter leur place aux deux journalistes : monter de toutes pièces, avec des ingénieurs de Montreuil, un androïde animateur nommé Robi le Robot (comme dans Planète interdite) au moyen d’un financement participatif qui récolta, à l’époque, seize mille euros !
Simulation : s’il avait pris l’antenne à la place de Marie & Armel, qu’est-ce que Robi aurait bien pu dire de... l’invasion de la Crimée – déjà, en 2014 – par la Russie, qui lance la guerre du Donbass dont nous subissons encore les conséquences ? De la disparition inexpliquée du vol MH370 et ses 239 passagers ? De cet autre avion de la même compagnie, Malaysian Airlines, abattu en plein air avec ses 298 passagers quatre mois plus tard, par un missile russe, au-dessus de l’Ukraine ? Qu’aurait dit ce robot des luttes contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ? De la nouvelle saison de Black Mirror ? Du Nobel de Modiano ? De cette coalition contre l’Etat Islamique en Irak et en Syrie ? De la fin de Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet, après vingt-six ans de quotidienne sur Inter ? Du nouveau World Trade Center ? De la B.-O. extraterrestre signée Mica Levi pour Under The Skin, avec Scarlett Johansson ? De cette plateforme nommée Netflix, qu’on dit capable de flinguer le cinéma en salles ? De la mort de Lauren Bacall, de Frankie Knuckles, de Paco de Lucia, de Resnais, de Cavanna, de Garcia Marquez ? Du suicide de Robin Williams, de l’overdose de Philip Seymour Hoffman ? Du roman goncourisé de Lydie Salvayre, intitulé Pas pleurer ? De notre interview bouleversante de Chantal Akerman ? De l’élégance de Gaspard Ulliel dans Saint Laurent de Bonello ? De ce freestyle de Mobb Deep dans L’Eléphant effervescent ? Des canicules à répétition ? Ou de cette question que Jacques Chancel peut désormais poser à Dieu en personne : « Et Dieu dans tout ça ? »
Réalisation, mixage : Malo Williams.
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2016 : le jeu du rachat et de la souris
« Ça ne s’arrêtera jamais. » Quelques minutes avant minuit, à la veille des 35 ans de Radio Nova, un olibrius passablement surexcité livre une belle démonstration d’optimisme... lors d’une année mouvementée. En 2016, la musique connaît de grandes pertes : David Bowie, Leonard Cohen, Pierre Barouh, Alan Vega, George Michael (oui), Prince Buster et surtout, Prince tout court ; Sa Majesté Roger Nelson, dont le premier concert parisien au Palace en 1981 était déjà sponsorisé par Actuel, et auquel David Blot rend de nombreux hommages teintés de pluie pourpre dans son Nova Club bientôt coanimé avec Sophie Marchand. C’est aussi l’hécatombe chez les Michel : Rocard, Butor, Delpech, Galabru et Tournier rejoignent les limbes du Pacifique. Chagrin également pour les aficionados de Michael Cimino, de Fidel Castro, de Gotlib, de la Princesse Leia ou de Mohamed Ali, que la Faucheuse met K.-O.
Tous ces gens loupent le vertigineux nouvel album de Christophe (Les vestiges du chaos), le Nobel pour Dylan, les premières chansons de Catastrophe ou de Kate Tempest, la mise en marche vers le pouvoir de ce jeune banquier « ni de gauche ni de droite » – c’est-à-dire de droite – nommé Emmanuel Macron, qui vient de quitter le ministère de l’Économie. Ou encore Nuit Debout, ce mouvement antilibéral hétéroclite né de la contestation d’une énième loi travail, qui occupa trois mois la place de la République à Paris, et qu’Armel Hemme, Marion Armengod, Guillaume Girault et Julien Goetz couvrent en direct, une semaine, via des reportages ou des émissions in situ. Pendant ce temps, sous les drapeaux noirs de Daech ou d’Al-Qaïda, le chaos frappe encore : à Nice, à Jakarta, à Bruxelles, à Bagdad, à Ouagadougou, au Pakistan, en Allemagne, au Bangladesh, en Côte d’Ivoire, dans un mariage turc, une église de Seine-Maritime ou une discothèque LGBT de Floride. Ajoutez à ceci l’élection-surprise de Donald Trump aux USA après des mois d’outrances, le Brexit, des débats stériles sur la question du burkini et l’empire médiatique de Vincent Bolloré dont l’influence ne cesse de s’étendre... l’ambiance est lourde.
Dans les couloirs de Nova, on s’inquiète pas mal. Un banquier de gauche, Matthieu Pigasse, ancien conseiller de Dominique Strauss-Kahn et de Laurent Fabius au ministère de l’Économie, a racheté à titre personnel, en 2015, notre antenne. À son sujet, le journal Le Monde a écrit : « La vente du PSG, c'est lui. La renégociation de la dette irakienne, c'est lui. La nationalisation du gaz bolivien pour le compte du président Evo Morales, c'est lui. La recherche d'une sortie de crise pour Libération, c'est encore lui. Matthieu Pigasse est le banquier d'affaires le plus recherché du moment. Celui que les patrons du CAC 40 invitent à leur table avant de lancer une OPA. » Moins de dix ans après cet article, il prend le contrôle du journal Le Monde avec Pierre Bergé et Xavier Niel. Puis ce lecteur de Cioran et de Michaux, actionnaire de l’Obs, de Télérama, de Courrier international ou de Vice, propriétaire du festival Rock en Seine et président des Eurockéennes de Belfort, a fondé Les Nouvelles Éditions Indépendantes (LNEI), qui abritent Les Inrockuptibles, le webzine féministe Cheek. Et, donc, Nova, ses vingt-six fréquences et ses soixante-cinq employé·e·s. Qu’allions-nous devenir, au sein du groupe ? Quels étaient les projets de ce fan de The Clash en costume Dior ?
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